[Portrait] Clara Chappaz, la Tech en héritage

[Portrait] Clara Chappaz, la Tech en héritage

À la tête de la mission French Tech depuis deux ans, Clara Chappaz, 34 ans, encourage sans relâche l’éclosion de start-up françaises. Polyglotte, éternelle voyageuse, elle cultive son goût pour l’innovation au service du ministère chargé du Numérique. Portrait d’une entrepreneuse qui s’engage aussi pour la cause des femmes.

Alors que se clôture la semaine de célébration des 10 ans de la French Tech, l’équipe reprend son souffle. Porter haut les couleurs de la start-up nation n’est pas une mince affaire dans un contexte économique morose où les investisseurs se montrent de plus en plus frileux (-49 % de fonds levés S1 2023 vs S1 2022, selon EY). Pas de quoi décourager Clara Chappaz, présidente de la mission French Tech depuis deux ans. “Il faut aller de l’avant et être plus ambitieux », déclare la jeune présidente. « Nous avons réalisé un sondage auprès de 1200 dirigeants en France. Et 77 % disent qu’il est facile d’entreprendre dans notre pays“. Entrepreneure dans l’âme, Clara Chappaz contourne les obstacles et se concentre sur l’avenir. “Un boulevard technologique s’ouvre pour la France. Santé, cybersécurité, biothérapie… Nous devons mettre à profit toute l’expertise et l’expérience de ces dix dernières années pour prendre le leadership sur ces technologies. L’Europe est très bien placée“, assure-t-elle. Ce qui la passionne dans sa mission, c’est la richesse de l’écosystème tech. “Je peux échanger le matin avec un entrepreneur du spatial, le midi avec un entrepreneur du quantique et le soir avec un entrepreneur de la Fintech. En France, les initiatives sont très diverses“, reconnaît la présidente.

Au ministère, on revendique ce casting de choix. “Je peux compter sur Clara pour écouter, rassurer, aider, encourager les start-up à tous les stades de leur développement. Elle sait s’adapter à tous les milieux, tous les types de situations, avec un seul objectif : faire grandir l’écosystème tech français“, déclare Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé du Numérique.

5 langues et 7 pays

Cette ouverture d’esprit lui vient de sa formation et de son parcours de globe-trotteuse. Très bonne élève, elle est la fille d’une prof de chimie et d’un ingénieur centralien (Pierre Chappaz est fondateur de Kelkoo et de Teads), qui sont passionnés par la randonnée et l’escalade en montagne. De fait, elle gravit les échelons assez vite. “J’ai vécu dans un village de 700 habitants en Seine-et-Marne, un monde à petite échelle. Cela a provoqué chez moi l’envie d’explorer le monde. J’ai vécu au Japon, en Thaïlande, à Hong Kong, à Singapour, à Boston, à New York et à Londres », décrit Clara Chappaz qui parle cinq langues. Après des classes scientifiques à Paris et une formation à l’ESSEC, Clara Chappaz part en Asie pour être dans « une région du monde où tout avance très vite“. Elle devient directrice de Zalora, première plateforme d’e-commerce de mode en Asie du Sud-Est, à Bangkok et à Singapour. Ce sera son premier poste à responsabilité. Puis, le fantasme de la tech américaine la rattrape et elle s’offre un MBA à Harvard pendant deux ans. “Une expérience exceptionnelle offrant une très bonne compréhension des enjeux business avec 35 nationalités dans ma classe“, témoigne la Française. Pendant sa formation à Boston, elle crée sa propre entreprise, Lullaby, qui propose des produits durables pour les enfants. Puis, elle rentre à Londres pour diriger l’expansion internationale de Lyst, le moteur de recherche de mode soutenu par LVMH. “Elle a toutes les capacités pour fortifier et développer les capitales et les communautés French Tech en région, mais aussi à l’étranger“, assure son entourage. De retour à Paris, en 2019, ce sera l’aventure et le succès de Vestiaire Collective, licorne française et premier site mondial de revente de mode d’occasion de luxe, aux côtés de Fanny Moizant. “Dès nos premiers échanges, j’ai pris la mesure de son charisme, un mélange de force et de douceur. Très engagée, notamment sur la défense des femmes en entreprise, elle défend bec et ongles ses convictions et emporte l’adhésion. Très appréciée des équipes, c’est un caméléon avec beaucoup de cordes à son arc. C’est une femme de tête et de coeur“, témoigne sa complice du site aux millions de passionnés. Clara Chappaz a participé à la croissance fulgurante de cette entreprise devenue maintenant une licorne enchaînant les levées de fonds conséquentes (178 millions d’euros dernièrement).

Ma plus grande richesse, c’est mon expérience internationale à travers 7 pays, qui oblige à se réinventer, à développer une empathie pour comprendre des cultures différentes de la sienne. Cette capacité d’adaptation m’a permis de relever le défi de la French Tech et d’intégrer les codes de fonctionnement de l’administration“, reconnaît Clara Chappaz.

Cette année, elle a intégré le classement des 40 femmes Forbes qui font rayonner la France à l’étranger. Modestement, elle s’est étonnée de recevoir autant de messages de félicitations. “Cela m’a permis de déjeuner avec Maud Sarda (Label Emmaüs) qui me donne envie de faire les choses différemment…

Le coq français en étendard

Nous sommes à l’aube de nombreux défis. La France – et ses 25 000 start-up – est le pays européen qui a réalisé le plus de levées de fonds en 2022 et c’est la plus grosse délégation au CES de Las Vegas à porter le coq rouge à la boutonnière. La création de la marque French Tech a été un des instruments de l’attractivité et de l’identification du savoir-faire français dans le monde“, déclare la jeune présidente. Depuis deux ans, l’équipe accélère.

Dans le cadre du programme baptisé “French Tech 2030” issu du plan “France 2030” (soutien de l’innovation dans 10 secteurs stratégiques), la mission, en collaboration avec le Secrétariat général pour l’investissement et Bpifrance, a créé des programmes sectoriels sur la santé, l’agriculture ou encore la cybersécurité. Les 125 acteurs émergents sélectionnés bénéficient des services de l’accompagnement en tant que lauréat pendant une durée d’un an, renouvelable. “La mission de la French Tech est de faire remonter les besoins du terrain pour orienter les politiques publiques et créer un écosystème performant sur la base de la cocréation“, précise Clara Chappaz. L’objectif est également de soutenir des initiatives en dehors des gros succès numériques et de soutenir le secteur industriel.

Le nerf de la guerre reste le financement. Un sujet familier pour celle qui a développé de nombreux projets. La vision de la chargée de mission est d’ancrer l’écosystème Tech dans le monde économique : “Oui, les financements en 2023 sont plus lents, plus compliqués. L’enjeu prioritaire pour les start-up, c’est la commercialisation. Il faut que les grands groupes investissent pour créer les géants de demain“. Pragmatique et soucieuse de défendre sa communauté, Clara Chappaz lance “Je choisis la French Tech”, qui réunit 300 entreprises et 80 acteurs institutionnels. L’objectif est simple mais exigeant : “Je m’engage à doubler mes commandes et mes achats aux start-up d’ici 2027”. Et pour s’assurer de la sincérité des acteurs concernés, en janvier 2024 sera lancé un observatoire pour suivre cette évolution auprès des services achat des grands groupes.

Une ambitieuse dévouée

Implantée au coeur de la Station F, la French Tech est une administration qui fait partie de la Direction Générale des Entreprises (DGE), dirigée par Thomas Courbe, haut fonctionnaire, qui est au service du ministère de l’Économie. Dans ce cadre, Clara Chappaz, issue d’une famille de professeurs, s’épanouit et semble être à sa place. “C’est, pour moi, le meilleur des deux mondes. Je cultive une certaine loyauté envers le service public et l’entrepreneuriat“. Dans ses nombreux déplacements à travers la France pour porter la voix des entrepreneurs du numérique, aux côtés de Jean-Noël Barrot, sa crédibilité n’est pas à mettre en doute : “Clara représente toute l’ambition et l’originalité de la mission French Tech : elle vient du milieu des start-up, connaît leurs fonctionnements, leurs atouts et les défis qu’affrontent les entrepreneurs au quotidien, et a choisi de rejoindre l’administration publique pour faire le pont entre public et privé“. Son ambition la portera peut-être vers d’autres salons ministériels.

2016-2018 : MBA à Harvard Business School

2019-2021 : Directrice de la croissance et directrice commerciale de Vestiaire Collective

Depuis 2021 : présidente de la French Tech

 

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