Trois associés de family office qui font bouger la French Tech

Trois associés de family office qui font bouger la French Tech

Publié le 20 nov. 2023 à 6:37

Les family offices sont devenus des investisseurs importants dans la French Tech, en particulier en « early stage », comme le montre une étude de la banque d’affaires Kickston commandée par « Les Echos ». Portrait de trois associés qui rythme l’activité de ces family offices nouvelle génération.

Nicolas Essayan, le sprinter

Nicolas Essayan est associé chez Motier Ventures.DR

Qu’ont en commun le patron de l’innovation de Bayer, le directeur technique de Valeo et le cofondateur de Mistral AI, start-up spécialisée dans les grands modèles de langage ? Ils étaient tous présents au « Gen AI Show », une soirée organisée mi-novembre par Motier Ventures, family office de la famille Houzé (propriétaire des Galeries Lafayette). « Nous avons eu de très bons retours », se félicite Nicolas Essayan, associé chez Motier Ventures, qui compte quinze start-up IA dans son portefeuille dont Mistral AI , Poolside et Dust.

Avant de rejoindre Guillaume Houzé, Nicolas Essayan a eu une carrière qui s’est divisée en deux parties : le private equity et l’entrepreneuriat. Après son diplôme de l’ESCP en poche, il a travaillé pendant cinq ans chez Morgan Stanley à Paris et à Londres. Puis il a fait une pause de six mois pour voyager entre le Moyen-Orient et l’Australie avant de retourner dans le monde de la finance en intégrant le fonds de private equity Apax Partners, pour investir dans le « mid-market » (sociétés qui réalisent un chiffre d’affaires en 100 et 500 millions) dans la tech et les télécoms.

Huit ans plus tard, Nicolas Essayan se lance dans le bain de l’entrepreneuriat, une première fois avec Yakti (cybersécurité), qu’il a revendu, et une deuxième avec CodeReef (machine learning). « On a arrêté le projet au bout d’un an car ça n’allait nulle part », confie l’investisseur. Il était donc temps de faire une nouvelle pause mais pas pour voyager cette fois. Nicolas Essayan entre à l’école 42, « une année extraordinaire », insiste-t-il. Puis il reçoit un jour un appel d’un chasseur de têtes qui lui parle du projet de Guillaume Houzé. « J’étais partant pour revenir dans l’investissement mais seulement s’il y avait une dimension entrepreneuriale dans le monde tech, et si possible l’early stage », raconte celui qui porte toujours une casquette.

Autre condition : terminer d’abord l’école 42. « J’ai passé ma soutenance un vendredi et le lundi matin je participais à la création de Motier », s’amuse-t-il. Deux ans plus tard, Motier Ventures a investi dans 63 start-up (et fait 10 réinvestissements), soit un rythme d’une trentaine d’opérations par an, faisant de lui un des family offices les plus actifs dans la French Tech aux côtés de Kima Ventures (Xavier Niel) et Evolem (Bruno Rousset). « Je suis impressionné par la vitesse avec laquelle il a gagné sa place dans l’écosystème. C’est quelqu’un de très rigoureux et collaboratif », estime Alexandre Berriche, entrepreneur et business angel.

Léa Verdillon, la curieuse

Léa Verdillon est associée chez Aglaé Ventures.

Léa Verdillon est associée chez Aglaé Ventures.Alexandre Alloul

A seulement 31 ans, Léa Verdillon cumule déjà plus de huit ans dans le capital-risque. Celle qui est aujourd’hui associée chez Aglaé Ventures, le family office des Arnault (groupe LVMH, propriétaire des « Echos »), ne découvre pas les sujets IA qui affolent tant les investisseurs depuis l’essor de ChatGPT fin 2022 . Une fois son diplôme de HEC en poche, la jeune femme rejoint le fonds de capital-risque Serena pour notamment travailler sur un véhicule dédié à la donnée et l’intelligence artificielle.

C’est quatre ans plus tard, à la suite de multiples rencontres, qu’elle échange avec Cyril Guenoun, qui a cofondé Aglaé Ventures en 2017. « Jusque-là, je ne savais même pas qu’Aglaé existait », confie Léa Verdillon. Comme tout family office qui se respecte, celui de la famille Arnault est très discret.

Et pourtant, il s’est vite imposé dans la French Tech en investissant assez tôt dans Back Market – c’est aujourd’hui le plus gros investisseur de la marketplace -, Meero ou encore ManoMano, alors qu’à l’origine il était plutôt focalisé sur le « late stage » et avait un pied aux Etats-Unis. Aglaé est par exemple entré au capital d’Airbnb, Slack et Spotify. Les tickets injectés sont compris entre 100.000 et 100 millions d’euros, une large palette.

Léa Verdillon, elle, s’occupe de l’early stage et n’a pas ralenti son activité malgré la crise du financement qui touche la tech depuis 18 mois. « Cela n’a rien changé. Je dirais même que ça ne s’est pas totalement calmé. Il y a une pénurie de série A, ce qui rend difficile de faire des deals, et il y a aussi plein de boîtes en amorçage dont les valorisations sont encore très élevées. On essaie de garder la tête froide », raconte-t-elle en référence aux start-up dans l’IA ou créées par des multi-entrepreneurs.

« Je reste curieuse. Si un fondateur bosse sur un truc qui me plaît, peu importe que ce soit sexy ou pas, je vais le rencontrer », confie la jeune femme. Dans la série des start-up peu sexy, Léa Verdillon a investi dans Conduktor, un outil pour développeurs qui se définit comme un « complément à l’infrastructure Apache Kafta », une plateforme open source. « Quand j’ai commencé l’appel, je me suis demandé ce qu’était ce truc, à rien n’y comprendre. Mais en sortant du rendez-vous, j’étais bluffée. Le fondateur était incroyable et sa boîte avait déjà une forte traction », se souvient l’investisseuse.

Alexandre Aulas, le discret

Alexandre Aulas travaille pour Holnest depuis 2011

Alexandre Aulas travaille pour Holnest depuis 2011HolNest

En décembre 2022, une page glorieuse de l’histoire du football français s’est refermée avec la vente de l’Olympique Lyonnais par Jean-Michel Aulas , fondateur de Cegid, à l’Américain John Textor. La manne de cette cession tumultueuse va être réinjectée dans Holnest, le family office de l’emblématique patron qui est aujourd’hui dirigé par son fils unique, Alexandre Aulas. « Cela va nous donner des moyens supplémentaires pour déployer nos investissements », se projette-t-il.

Né en 1986, ce mordu de ballon a d’abord brièvement fait ses armes dans la banque d’affaires Rothschild à New York, puis fait du private equity chez Apax Partners. Il a aussi travaillé pour WyzGroup, une start-up dans laquelle il s’occupait du développement et de l’international, et ouvert deux restaurants à Lyon et Londres.

En 2011, son destin bascule quand, à sa grande surprise, son père lui propose de rejoindre Holnest. « Cela ne faisait pas forcément partie de mon plan de vie », confie le discret trentenaire. Mais le jeune homme décide tout de même de sauter le pas. « Je suis arrivé avec joie, mais aussi beaucoup d’humilité », explique Alexandre Aulas. En interne, il gravit les échelons jusqu’à devenir directeur général d’Holnest en 2018.

Aux côtés de Patrick Bertrand, un ancien poids lourd de Cegid et proche lieutenant de son père, Alexandre Aulas a structuré l’entité dédiée aux investissements dans les start-up (club Holvest). « On s’est rendu compte que, pour se battre contre les fonds, il fallait bâtir une stratégie d’investissement et développer une image de marque », souligne-t-il.

A l’image d’Evolem, un autre family office lyonnais, Holnest joue un rôle croissant dans la French Tech et compte désormais « 25 sociétés » en portefeuille. Le spectre est large puisque Holnest a mis des tickets en amorçage ou en série A dans Abelio (agritech), Faume (greentech), Fulllife (jeux vidéo) ou Obat (logiciel pour le BTP). Le seul dénominateur commun est d’aider, sur la longue durée, des entrepreneurs ambitieux qui partagent des valeurs communes avec celles de la famille Aulas.

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