La France et l’Allemagne, des partenaires moteurs pour les infrastructures de recherche

La France et l’Allemagne, des partenaires moteurs pour les infrastructures de recherche

Avec le télescope de 30 mètres de Pico Veleta en Espagne, NOEMA est l’un des deux observatoires de l’Institut de radioastronomie millimétrique (IRAM) situé à Grenoble. Fortement soutenue dès sa création par la MPG et le CNRS, avec une participation ultérieure de l’Instituto Geográphico Nacional espagnol, l’IRAM est une infrastructure de rang mondial, labélisée sur la feuille de route française. Elle étudie les origines et l’évolution des planètes, des étoiles et des galaxies. L’institut fait ainsi partie du réseau international Event Horizon Telescope qui a présenté la première image d’un trou noir en 2019 puis du trou noir Sagittarius A* situé au centre de notre galaxie en 2022.

Des partenaires majeurs pour les infrastructures en astronomie…

Avec un budget dépassant 50 M€, « le projet NOEMA est une démonstration exemplaire du partenariat franco-allemand dans la réalisation de très grandes infrastructures de recherche qui font de la France un leader de l’astronomie sur la scène internationale », assure Nicolas Arnaud, directeur de l’Institut national des sciences de l’Univers (Insu) du CNRS. « L’inauguration du télescope est un marqueur important de la coopération entre le CNRS et la MPG. », confirme Etienne Snoeck, responsable des affaires européennes à la Direction Europe de la recherche et coopération internationale (Derci) du CNRS.

Antoine Petit et Martin Stratmann ont inauguré la mise à jour de NOEMA le 30 septembre, en présence de Karl Schuster, directeur de l’IRAM et Stephane Guilloteau, directeur de recherche au CNRS, membre du conseil de l’IRAM. © IRAM

Au-delà de NOEMA, la France et l’Allemagne sont en effet des partenaires majeurs pour l’astronomie, partageant la plupart de leurs infrastructures d’échelle européenne. Des projets qui nécessitent des budgets importants et des expertises avancées. Les deux pays sont par exemple membres fondateurs de l’Observatoire austral européen (ESO), avec les Pays-Bas, la Belgique, le Royaume-Uni et la Suède. Ils ont réalisé ensemble plusieurs instruments, dont GRAVITY
 installé sur le Very Large Telescope (VLT) au Chili, qui a permis de ​​confirmer des prédictions de la relativité générale. Son successeur GRAVITY+ est en cours de construction par le même consortium. « Le couple franco-allemand est essentiel dans ces projets colossaux menés au niveau européen. Aucun pays ne peut faire face seul à la compétition mondiale. », explique Martin Giard, directeur adjoint scientifique Astronomie et Astrophysique à l’Insu.

L’Allemagne et la France ont également mis en place un « partenariat très fort » autour du Cherenkov Telescope Array (CTA), une nouvelle génération de télescopes gamma dont la construction doit s’achever en 2025 aux îles Canaries et au Chili. Rassemblant plus de 200 laboratoires de recherche dans 32 pays du monde – la France étant représentée par le CNRS et le CEA –, le CTA sera capable d’observer les événements cosmiques les plus violents, comme des étoiles en fin de vie ou les jets issus de trous noirs, produisant des particules de très haute énergie. Dans ce contexte de collaboration internationale, les laboratoires français jouent un rôle clé, en assurant la responsabilité de la conception et de la réalisation de plusieurs éléments essentiels des télescopes du CTA, dont les caméras des télescopes de moyenne taille.

Télescope du VLT, photo de nuit
Le Very large telescope (VLT) est installé dans le désert d’Atacama au Chili. © Eric LE ROUX/ESO/Université Claude Bernard Lyon 1/CNRS Photothèque

Les deux pays s’entraident aussi pour entrer dans la collaboration SKA Observatory (SKAO), organisation intergouvernementale qui assurera la construction puis l’exploitation du plus grand instrument de radioastronomie jamais réalisé. Priorité du CNRS, pilote de la « Maison SKA-France
 », ce télescope permettra d’étudier la formation des toutes premières étoiles et galaxies peu de temps après le Big Bang.

… et les missions spatiales d’envergure

En dehors de ces exemples d’astronomie au sol, des missions spatiales sont aussi conçues et pilotées en collaboration entre l’Allemagne et la France, souvent via les agences spatiales européenne (ESA) ou nationales (CNES et DLR). C’est le cas des missions Merlin
, qui mesurera la quantité de méthane dans l’atmosphère pour estimer à l’échelle planétaire les flux de ce gaz et son impact sur le climat, ou Plato
 pour la détection et caractérisation d’exoplanètes. Les deux détecteurs innovants de la mission Athena
, futur observatoire spatial de l’Europe, seront fabriqués par la France et l’Allemagne. Opérant dans le domaine des rayons X, Athena s’intéressera aux phénomènes les plus extrêmes observables dans l’Univers, comme les amas de galaxies et les trous noirs supermassifs, avec un niveau de détail et une sensibilité jusque-là inégalée. Ces missions passent des sélections drastiques pour être lancées, le soutien de plusieurs pays étant un fort avantage.

Satellite tirant un laser vers la surface de la Terre visible en arrière-plan
En 2024, le satellite franco-allemand Merlin (Methane Remote Sensing Lidar Mission) sera mis en orbite terrestre. © CNES/illustration David DUCROS, 2016

Ces collaborations naissent « toujours » de projets portés par des scientifiques des deux côtés du Rhin. Une stratégie d’ensemble s’organise ensuite quand le projet prend de l’ampleur, d’abord entre organismes de recherche puis entre gouvernements. Les trois niveaux de coopération sont indispensables au bon fonctionnement des infrastructures de recherche communes. Mais « en sciences spatiales, dès lors que les aspects industriels sont plus forts avec des conséquences importantes sur l’économie des pays, la collaboration se teinte de compétition », prévient Martin Giard, les scientifiques pouvant aussi rester en concurrence pour l’exploitation des données fournies par ces instruments.

L’Allemagne, partenaire privilégié du CNRS

Toutes disciplines confondues, l’Allemagne représente 55 % des participations de pays tiers dans les grandes infrastructures de recherche gérées par le CNRS. « Sur les 64 pays du monde entier avec lesquels nous travaillons dans nos infrastructures de recherche, l’Allemagne est numéro 1, devant l’Italie, le Royaume-Uni, l’Espagne et les Pays-Bas », compte Éric Humler, président du comité des très grands équipements scientifiques et grandes infrastructures (TGIR) du CNRS.

La raison de ce palmarès est à la fois historique – l’Allemagne ayant été un des premiers partenaires des grands instruments comme au CERN dès le début des années 1950 ou à l’IRAM en 1979 – et stratégique : « Le classement suit le PIB des pays qui est un bon indicateur pour les moyens disponibles pour la recherche », note Éric Humler, pour qui « la coopération entre la France et l’Allemagne, moteurs de l’Europe, est tout aussi importante pour eux que pour nous ».

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